L’association Pikler Lóczy France et l’Institut Pikler « Lóczy ou le maternage insolite »


En 1971, à la suite d’un séjour d’étude de 15 jours à la pouponnière de la rue Lóczy, Geneviève Appell (psychologue) et Myriam David (pédopsychiatre) écrivent « Lóczy ou le maternage insolite ». Elles y décrivent le bon état physique et psychique des enfants, énoncent les principes fondateurs de l’institution et expliquent en détails le fonctionnement de cette pouponnière si originale.

EXTRAITS DE DAVID M. ET APPELL G. « LÓCZY OU LE MATERNAGE INSOLITE »

Observation du bain de Tamas 26 mois

(…) Le savonnage terminé, Tamas gigote, barbotte, ce qui est encouragé, il éclabousse fortement tout à la joie de taper l’eau. Ceci de toute évidence, est la coutume. Un coup de serpillère effacera bien vite tout cela et la joie de l’enfant est si grande !

Tamas m’aperçoit et, s’avançant au pied de la baignoire, a un élan vers moi. Nous rions tous les trois.

Sa nurse lui demande de presser son gant mais cela ne le tente guère, il refuse gentiment ; alors elle lui demande de vider l’eau du bain, ce qu’il fait avec empressement.

Par contre, il refuse de sortir. Sa nurse rit de son refus, lui parle, ce qu’elle n’a d’ailleurs pas cessé de faire. Il a pourtant l’air bien décidé à ne pas sortir de là. Elle, toujours aussi calme, garde son ton joyeux et… Tamas sort, mais, comme par jeu, seul, en faisant des acrobaties. Sur la table, il trépigne, rit beaucoup, très excité.

Debout, confortablement enveloppé dans son drap de bain, il se calme, l’essuyage est doux, soigneux, comme pour les plus petits et Tamas semble heureux d’être passif pour un court moment. Puis, joyeux, il joue à coucou. C’est à nouveau un moment de grande animation. (…)

Observation du repas de Melinda, 6 mois 1/2

(…) Melinda a une pose plus détendue, abandonnée, tandis qu’à sa façon elle participe plus activement à son repas. Elle suit du regard le va-et-vient de la cuiller, ouvre grande sa bouche à son approche et mange avec compétence. Elle cherche à attraper le verre pour boire. Celui-ci en bouche, elle le tient si bien que sa nurse ne contrôle la situation que par son index discrètement appuyé au fond du verre.(…)

Observation d’un temps d’activité libre dans un groupe de 7 à 14 mois

(…)Pirouska attrape le pied de Janosh, le palpe, agrippe sa petite chemise, la suce ; ensuite s’empare de l’extrémité d’un grand train bleu en plastique avec lequel Janosh est en train de jouer. Dans leurs mouvements ils se retrouvent face à face. Pirouska regarde beaucoup Janosh qui, plus actif, est nettement le leader ; il touche les jouets, les prend, les manipule, palpe, gratte, secoue, tape. Pirouska s’associe à ces gestes, tous deux gazouillent. Leurs têtes se touchent et ils jouent longuement avec grand plaisir à lutter comme deux petits chevreaux. (…)

Les premières mises en application dans des institutions françaises

Les premières mises en application des idées piklériennes débutent en France à la fin des années 70 dans des pouponnières et de crèches.

Les professionnels de la petite enfance envisagent avec d’autant plus d’intérêt cette approche quand ils observent des manifestations de malaise chez les enfants accueillis dans ces structures : pleurs fréquents, passivité, agressivité, pauvreté des jeux ; et une absence fréquente des conditions favorisant pour les enfants des expériences relationnelles de qualité et un accompagnement satisfaisant de leur développement.

Création de l'association Pikler Lóczy-France

A la suite de ce mouvement, naît en 1984 l’Association Pikler Lóczy de France, renommée « Association Pikler Lóczy-France » en 2014.

Dans les décennies suivantes, des professionnels français travaillant en maternité, PMI, pédiatrie, halte-garderie, crèche, crèche familiale, multi-accueil, institution pour enfants plus âgés ou en situation d’handicap, centre maternel, prennent conscience de la pertinence des idées piklériennes pour leur pratique et la conception de l’organisation de leur institution.

Collaboration entre l’équipe de l’Institut et l’APL F

Progressivement, la collaboration entre l’équipe de l’Institut Pikler et l’APL F s’intensifie, se diversifie et s’ouvre à d’autres mouvements de pensée.

Anna Tardos, Eva Kálló, Katalin Hevesi d’abord, puis plus récemment Eszter Mózes, Zsuzsa Libertiny, animent des stages à l’association française. Elles sont parfois accompagnées de nurses qui témoignent de leur travail au quotidien et de plus en plus participent à l’animation de formation.

Les stages d’observation à la pouponnière organisés par l’Institut Pikler sont ouverts régulièrement à des cliniciens français accompagnés par un formateur de l’association française.

Dès 1984, de nombreux articles écrits par des membres de l’Institut Pikler : nurse auprès des enfants, psychopédagogue, pédiatre, psychologue…sont traduits en français et diffusés par l’association.

A partir de 1990, sur la base de prises de vue à la pouponnière et des résultats des recherches menées à l’Institut, l’Association Pikler (Hongrie) et Association Pikler (France) collaborent à la création de vidéos : 12 entre 1990 et 2013. Elles sont des outils pédagogiques très précieux pour aborder des thèmes aussi variés que la motricité libre, la manipulation, l’attention du bébé, les relations entre enfants, la fonction psychique du soin corporel lien avec la liste des vidéo todo…

Plusieurs groupes de travail successifs, réunissant cliniciens français et cliniciens hongrois de l’Institut permettent d’approfondir les idées piklériennes et d’apprendre à confronter les différences de regard et de conception entre cliniciens hongrois et français.

En 1994, un de ces groupes est à l’origine de l’organisation le 19-20 mars de deux journées scientifiques à Paris « Du corporel au psychique. Le bébé actif dans le jeu et dans les soins ». Elles seront l’occasion d’échanges très enrichissants entre conception piklérienne et psychanalytique, en particulier winnicottienne.

En 1996, du 29 février au 2 mars, de nombreux membres de l’association française, notamment Geneviève Appell, Myriam David, Miriam Rasse, Patrick Mauvais, Agnès Szanto-Feder, Julianna Vamos apportent leur contribution au Symposium européen de Budapest.Du corporel au psychique. Que le bébé reste acteur de son développement. Soins protecteurs et thérapeutiques au quotidien dans l’accueil des jeunes enfants.

Ils travaillent sur ce thème non seulement avec l’équipe de l’Institut et des membres d’autres associations piklériennes mais aussi avec des spécialistes français de la petite enfance d’autres courants de pensée, comme Bernard Golse (bien avant qu’il n’accepte la présidence de l’association française), Didier Houzel, Martine Lamour, Serge Lebovici, Michel Soulé, Régine Prat, ainsi qu’avec d’autres cliniciens d’autres pays comme Daniel Stern ou Michel Lemay.

Une délégation de l’association française participera de la même façon aux symposium organisés à Budapest en 2003 et 2018.

Les liens de travail se développent et s’enrichissent.

En 2004, à l’occasion de leur participation à un séminaire clinique sur une monographie écrite par le Dr Vincze, Anna Tardos, Mária Vincze, Judit Falk de l’Institut Pikler participent à la fête d’anniversaire pour les 80 ans de Geneviève Appell (première présidente de L’Association Pikler Lóczy-France), organisée dans les locaux de l’association.

De gauche à droite : Geneviève Appell, Anna Tardos, Myriam David, Mária Vincze, Judit Falk.

En 2014, notre présidente d’honneur, Geneviève Appell reçoit le premier prix Emmi Pikler, créé cette même année.